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Une brève histoire du parfum de niche

Une brève histoire du parfum de niche

Par: Kurt Commentaires: 0

Les parfums de niche sont apparus dans les années 80. Comment cela s'est-il produit ? Qu'est-ce qui existait auparavant ? Et comment cela va-t-il évoluer ? Un bref aperçu.

Les années 1980 : le début de la niche

Le terme "parfum de niche" est apparu quelque part dans les années 1980. Il s'agit d'une réaction des petites maisons de parfum indépendantes aux grandes marques commerciales. Le parfum était une grosse affaire, avec des flacons coûteux et des campagnes publicitaires mettant en scène des stars de cinéma et des top models. L'emballage et le marketing étaient devenus plus importants que le parfum lui-même. Chaque parfum était testé en profondeur par des panels de consommateurs avant d'être lancé. Résultat : des parfums qui plaisent à "tout le monde", mais que personne ne touche.

"Les gens ne sentent plus vraiment les parfums, ils sentent le marketing." - Roja Dove

Les parfumeurs et les esprits créatifs, souvent issus d'une des grandes marques, ont voulu revenir à l'essence du parfum : des créations artisanales, originales, réalisées avec des ingrédients nobles. Ils voulaient remettre la liberté et la créativité au premier plan et ne plus être dictés par les études de marché et les marges bénéficiaires. Leurs parfums étaient fabriqués en petites quantités et n'étaient plus destinés à plaire au plus grand nombre. Les pionniers de l'époque sont des marques telles que L'Artisan Parfumeur, Annick Goutal, Frédéric Malle et Serge Lutens.

Le passé, quand tous les parfums étaient de niche

Les parfums de niche n'existaient-ils pas auparavant ? Bien que le terme soit relativement récent, on pourrait qualifier de niche tous les parfums créés jusqu'à la révolution industrielle. Ils étaient extrêmement coûteux, limités en quantité et créés par des "parfumeurs". Tout a commencé avec les Égyptiens, où des résines coûteuses comme l'encens et la myrrhe étaient brûlées (d'où le nom de "parfum" ou "per fumus : à brûler") lors de rituels spirituels, où les statues des dieux étaient frottées avec de l'huile parfumée et où seul le pharaon avait le privilège de se parfumer. Le parfum était le lien entre la terre et le royaume des dieux. Ces coutumes ont été adoptées par les Grecs (qui ont créé le premier parfum liquide), puis par les Romains, qui étaient friands de parfums. Du moins, ceux qui pouvaient se le permettre. Répandre du parfum dans la maison et porter du parfum était un signe de luxe absolu. Les ingrédients étaient transportés à la Rome antique depuis le monde entier. Ils étaient plus chers que l'or.

À la chute de l'Empire romain, l'intérêt pour le parfum a disparu d'Europe pour une longue période. L'Église l'a interdit pendant des siècles, le considérant comme trop décadent. Ce n'est qu'au Moyen Âge que les moines ont recommencé à fabriquer des parfums. Pas pour vous faire sentir bon, mais pour leurs pouvoirs de guérison. L'odeur devait être plutôt mauvaise à l'époque. Les rues des villes étaient des égouts à ciel ouvert. Lorsque la peste a tué des millions de personnes, l'eau (souvent pas très propre) était devenue dangereuse. Les maisons royales et la riche noblesse ne se lavaient pas à l'eau mais se baignaient dans du parfum et en mettaient partout dans la maison pour chasser les mauvaises odeurs. La cour du roi français XV était même surnommée "la cour parfumée". Les parfums de cette époque étaient si exclusifs (souvent fabriqués sur mesure pour la personne qui les commandait) que l'on peut facilement leur attribuer le terme de "niche".

Le lien entre le parfum et la mode est né au XIIIe siècle à Grasse, alors centre de l'industrie du gant. Pour dissiper l'odeur pesante du cuir, les gants étaient imprégnés de parfum. Le succès fut tel que Grasse finit par devenir le centre mondial de la parfumerie. Les maisons de couture n'existaient pas encore à cette époque. Il faudra encore quelques siècles pour que le parfum et la mode soient inextricablement liés.

La révolution industrielle et le lien avec la mode

Au XIXe siècle, tout change. La révolution industrielle fait disparaître l'artisanat et permet de fabriquer des produits beaucoup plus rapidement, en plus grande quantité et à moindre coût. C'est l'avènement des premiers "grands magasins", tels que Selfridges à Londres et Le Bon Marché à Paris. Des palaces luxueux remplis de produits où l'on pouvait soudain faire ses courses pour le plaisir et non plus "par obligation". La prospérité grandit, et la demande de produits augmente. L'avènement de la chimie moderne a également permis de trouver de nouveaux moyens de fabriquer des parfums à plus grande échelle. 

Ces changements ont également conduit à la création de maisons de couture. Les vêtements ne sont plus fabriqués par la couturière locale, mais les créateurs lancent de véritables collections fabriquées dans des ateliers. Outre la couture, ils lancent également le "prêt-à-porter". Des vêtements prêts-à-porter que l'on pouvait acheter en rayon dans ces grands magasins. Dans les années 1920, des parfums ont été ajoutés, comme My Sin de Lanvin ou N°5 de Chanel. Cela permettait aux gens de compléter leur garde-robe avec un parfum et a permis à davantage de personnes d'acheter quelque chose de ces marques de luxe. Depuis lors, le lien entre le parfum et la mode est indéniable. Mais il est resté un produit de luxe, réservé à la classe aisée. À cette époque, chaque parfum lancé (et il n'y en avait pas tant que ça) était également innovant. Pensez à Chanel N°5 et à son utilisation révolutionnaire de l'aldéhyde. Bien qu'ils n'aient pas été lancés par des maisons de parfumerie mais par des maisons de couture, on pourrait les qualifier de "niche" en quelque sorte.

La deuxième guerre mondiale a tout mis en suspens. Mais les gens ont alors repris l'habitude du luxe. Les maisons de couture s'épanouissent et sortent de nouveaux parfums, comme Miss Dior de Christian Dior ou L'Interdit de Givenchy, parfums qui ont toujours du succès aujourd'hui (dans une formule modifiée). Ce sont surtout les entreprises américaines qui vont rendre les parfums vraiment accessibles, comme le classique Youth Dew d'Estée Lauder. En proposant la fragrance non seulement comme un parfum, mais aussi comme un dérivé tel qu'une huile de bain, le parfum est soudainement passé d'un produit de luxe à un produit de consommation, accessible à tous.

Pour beaucoup de ces maisons, le parfum est devenu une source de revenus plus importante que la couture. Alors que le parfum était jusqu'alors un produit de luxe, que l'on pouvait qualifier de "niche", il était désormais accessible à tous. De plus en plus de parfums sont lancés, et la créativité passe progressivement au second plan. Il est également de plus en plus facile de s'en procurer, grâce à l'émergence de parfumeries telles que Paris XL ou Sephora, qui s'implantent dans toutes les villes. L'aspect luxueux et artistique du parfum se perdait peu à peu. Jusqu'aux années 1980, où un mouvement inverse s'est amorcé et où de petites maisons de parfumerie ont commencé à commercialiser des fragrances originales de haute qualité et en petites quantités. Ces marques de niche ont eu de plus en plus de succès, et de plus en plus de nouvelles marques ont vu le jour. Aujourd'hui, elles sont difficiles à dénombrer.

L'évolution de la parfumerie de niche

Ce succès n'a pas échappé aux marques commerciales. De grands groupes comme Estée Lauder et LVMH ont racheté les plus performantes (comme Frédéric Malle, Jo Malone, Le Labo, Maison Francis Kurkdijan). Peu de ces premières maisons de niche sont encore indépendantes aujourd'hui. Les grandes marques ont également sorti des collections plus exclusives, comme La Collection Privée Dior ou Armani Privé. Des parfums plus chers que l'on ne peut souvent acheter que dans leurs propres boutiques. La frontière entre les parfumes commerciaux et la niche est donc de plus en plus floue. Toutes les nouvelles marques de niche qui s'établissent ne sont pas aussi originales ou fondées sur les principes de base de la créativité et des ingrédients nobles. Nous avons nous-mêmes consciemment choisi de ne proposer que des marques indépendantes à petite échelle et chaque semaine, nous testons de nouveaux parfums et de nouvelles marques, à la recherche des prochaines perles.

Comment le monde de la parfumerie (de niche) va-t-il évoluer à l'avenir ? Les rachats et les consolidations sont inévitables. Toutes les marques ne survivront pas. Le nombre de marques et de nouveaux lancements semble difficile à suivre. Il y a une tendance claire : de plus en plus de marques optent consciemment pour une approche plus durable. Elles utilisent des emballages recyclables, de l'alcool d'origine naturelle (comme L'Orchestre Parfum et Manos Gerakinis) ou même évitent l'alcool (comme Maison Sybarite) et s'approvisionnent en matières premières auprès de producteurs qui produisent de manière responsable et plus écologique. Car derrière le plaisir et la magie du parfum, se cache souvent un monde moins écologique ou éthique. Plus de transparence, d'honnêteté et d'éthique sont les bienvenus.

 


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